A force d’erreurs répétitives et de situations imprévues qui découlent de notre mauvaise compréhension ou dirais-je de mauvaise transmission des principes et modes de fonctionnement de l’humain dans son environnement, il devient impératif de porter un regard critique sur nous-mêmes, sur les fondements de la machine qui nous façonne (le système éducatif) et sur les responsables de cette machine.
Je me rappelle bien quand nous étions à l’école, notre professeur avait l’habitude de qualifier de personnes intelligentes les élèves qui arrivaient à retenir le cours précédent ou à capter ce qu’il disait ; mot par mot.
Une pratique qui me semblait extrêmement absurde à l’époque. Bien que j’étais qu’un petit gamin, voir ces élèves se faisaient encouragés, chéris et récompensés uniquement pour leur capacité de rétention et de citation alors qu’ils n’étaient pas en mesure de construire une phrase normale ou d’insinuer une relation de cause à effet constituait, de mon point de vue, un mystère.
Un mystère que je n’arrivais pas simplement à résoudre ni à justifier ; surtout qu’ils avaient les meilleures notes et recevaient tant de félicitions.
De manière aveugle et inconsciente, j’ai copié leur modèle. Très ironique !!! Je viens juste de critique leur approche. Mais, qui n’aime pas des félicitations et de meilleures notes ? En plus, ce modèle représentait la seule forme de matérialisation de l’intelligence dans le système éducatif.
Soudain, je commençai à mémoriser tout ce qui sort de la bouche du professeur et à réciter les cours point par point. J’ai tellement copié leur approche que je suis devenu celui qui était tout le temps le premier en classe. Celui dont on témoignait son intelligence le plus.
10 ans après. Devinez ce qui m’est arrivé ? L’élève pseudo-intelligent intègre l’école polytechnique des ingénieurs et puis le milieu professionnel où on lui demande pas de citer ni de redire, non plus de mémoriser. Mais, de puiser de son savoir, savoir-faire, de son aptitude à analyser et à sortir les relations de cause à effets pour venir avec une décision, un principe ou une explication justifiée et fondée sur des critères logiques et factuels.
Je dois reconnaître que le changement était soudain et brusque. L’élève est passé d’intelligent au nul, au sens absolu du terme, à l’espace de quelques jours. Huh, un questionnement s’impose!!
Comment est-ce possible, après plusieurs années d’études, de voir que le principe ou le fondement de l’intelligence humaine et la manière dont le système éducatif le défini est carrément biaisé dès le départ ?
Finalement, la réponse à ce mystère qui me faisait haïr le système éducatif au début et qui m’a poussé à se contenter avec les critères et principes abstraits préétablis se retrouve tout simplement sur la différence entre la mémoire et l’intelligence.
La mémoire c’est votre espace de stockage localisé dans votre cerveau et qui vous permet de retenir, de mémoriser et de se rappeler d’informations et de circonstances auxquelles vous donnez une priorité ou une certaine importance.
Comme le disque dur de votre ordinateur sauf que ce dernier a une capacité de stockage limitée alors que votre mémoire n’en a pas. Plus vous vous entraînez et vous faites des efforts, plus vous affûtez votre aptitude de rétention et plus votre capacité de se rappeler des choses augmente.
En revanche, l’intelligence est votre capacité à analyser les différentes informations captées par votre mémoire, de les catégoriser en thématiques, de sortir les différents liens logiques et de cause à effets qui existent entre elles pour en tirer une décision ou un principe ou un constat au moment voulu et dans les conditions et circonstances souhaitées.
En d’autres termes, une personne de bonne mémoire trouve des problèmes identiques pour chaque solution car sa réflexion est constante et généraliste quel que soit la situation indépendamment de ses enjeux et de sa criticité. Elle fait qu’apporter une information crue emmagasinée quelque part parce qu’elle a entendue quelqu’un le dire où elle l’a lue dans un livre, tableau, etc.
Vous pouvez demander à un historien de vous rencontrer la guerre mondiale et vous êtes sûrs d’avoir un bon récit que vous pouvez répéter partout à chaque fois que vous entendiez quelqu’un parler de cette guerre. Est-ce que cela vous fait un analyste de guerre ou un diplomate ? ça dépendra de votre étendue analytique et de votre profondeur expérimentale. Et cela où l’intelligence prenne le relais.
Comprendre la différence entre les deux termes est d’une importance capitale. Ça changé ma façon de voir le monde et surtout de ceux qui le dirigent ; ceux qui s’auto-réclament d’experts, de créateurs, de managers ou de leaders,….. (Appelez-les comme vous voulez).
Ce n’est pas parce que vous avez lu un livre, une bibliographie ou une revue quelque part avant quelqu’un d’autre que vous avez le droit de bomber le torse et de s’auto-déclarer expert qui souvent ne fait qu’en réalité verser des informations crues et non analytiques. La vérité est que rien n’empêche l’autre personne de tomber sur le même livre, le même contenu d’informations pour être à votre niveau.
Par conséquent, le seul avantage que vous avez ici par rapport à l’autre c’est le temps.
D’ailleurs, plus la peine d’être un porte-parole ou un transmetteur parce que nous avons maintenant les ordinateurs qui peuvent à la fois collecter et analyser des données en quantité et à des vitesses qui dépassent largement nos capacités cérébrales.
Regardez un peu autour de vous et vous allez voir que l’humanité a déjà perdu la bataille de la mémoire et l’intelligence face aux machines et son avenir dépend désormais en grande partie sur l’intelligence artificielle.
Interrogez-vous un peu. A quand remonte la dernière fois que vous avez mémorisé un numéro ? Ou combien de fois vous consultez Google par jour pour trouver des réponses à vos questions ? Vous savez déjà les réponses.
De ce fait, l’humilité est aussi importante que l’intelligence. Car sans elle, l’intelligence devienne l’arrogance qui n’est rien d’autre que de la folie hors contrôle.
Bref, le point que je veux éclaircir ici est que j’aurais aimé voir notre système éducatif fondé sur la pratique au lieu de la théorie. J’aurais aimé être félicité, que ce soit à l’école ou en famille, à chaque fois que je faisais une erreur au lieu d’être récompensé à chaque fois que je faisais ce qu’on attendait de moi. J’aurais aimé qu’on me donne, dès le bas âge, la chance de galérer, de souffrir et d’échouer à maintes reprises au lieu d’être tout le temps protégé par l’amour-propre.
Figurez-vous qu’il a fallu que je sois dans mes 20 ans d’études pour comprendre que les principes de fondement de notre système éducatif ne servent pas à grande chose dans la réalité. Je passe mes jours à faire le contraire de ce que j’ai appris à l’école. Et je peux vous garantir que toutes les personnes qui ont réussi font exactement la même chose.
Le système rend complexe ce qui est simple et transforme la théorie en vérité universelle. C’est ça son modèle économique. Réfléchissez-y bien. Je suppose la seule raison qui fait que ça marche c’est parce que le cerveau humain aime la complexité et préfère voir dans tout un problème au lieu d’une solution.
Je suis loin de vous obliger à faire un choix entre l’intelligence et la mémoire ou de vous blâmer sur un choix que vous avez déjà fait inconsciemment. Je suis qu’un observateur qui étale ses constats dans la place publique en espérant que chacun y trouve une source d’inspiration et un socle de motivation.
Et si vous devez faire un choix, je vous dirai de choisir les deux. Imaginez ce que serait le monde sans ses différentes histoires et sans la technologie ? Sans ses origines et sa complexité. Sans l’information et ses différentes manières de manifestation.
Je suis convaincu que votre réussite et votre épanouissement dépendra de votre aptitude à collecter et à synthétiser les informations, à apprendre et à décortiquer votre contexte, à décrire et à analyser les différentes circonstances ; surtout dans un monde où l’information n’a jamais été si accessible et si disponible.
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