Nous avons tous eu des moments de défoulement de colère, de joie, de tristesse ou de peur, ne serait-ce qu’une fois dans notre vie. J’imagine qu’on s’est tous posé la question après quelques instants de folie : où est-passé cette charge intense d’émotions ? Pourquoi le temps de décharge émotionnelle n’était pas aussi rapide que la charge ? Pourquoi cherchons-nous durement et bêtement à reproduire nos moments joyeux ? Pourquoi certains pêtent les plombs plus souvent que les autres ?
Il y a quelques années, je prenais mon trajet habituel pour aller à mon lieu de travail. Ce jour-là, j’ai assisté à quelque chose d’inhabituelle à la fois dans la forme et dans la durée. Le conducteur du véhicule devant moi (Monsieur X) s’est mis dans une échauffourée avec le chauffeur de taxi à côté (Monsieur Y). Le taxi a rayé son véhicule parce que l’un n’a pas eu la gentillesse ou la rigueur de laisser l’autre se rabattre sur la ligne.
Je vous laisse deviner qui est le fautif. Depuis que j’ai eu mon permis il y a une belle lurette, je me demande si c’est le code qui régule la route ou c’est la route qui définit le code. J’ai peur qu’à Dakar, chacun a son propre code et l’applique comme il le veut sur la route et en fonction de ses humeurs.
Juste après la rayure, dans un intervalle de quelques secondes, tous les deux, le conducteur et le chauffeur, se sont mis intensément en colère. Les yeux bien gonflés, le visage enflammé, la voix hurlante, chacun pointant du doigt à l’autre et bombant le torse sans qu’aucun ait le courage de poser la main sur l’autre.
Et ce n’est pas tout, pendant une dizaine de minutes, ils ont bloqué la route. On aurait dit deux laves qui se réunissaient pour créer un volcan infernal. Surpris et étonné, j’étais là derrière comme un spectateur de première ligne ; calme et serein en train d’analyser, de loin, le comportement absurde des deux.
Après plusieurs échecs de tentatives de négociation, un policier est venu pour faire le constat et finalement, chacun est retourné à son véhicule et tous les deux reprennent leur chemin. Cependant, leur expression faciale présageait qu’ils vont certainement traîner cette colère pendant encore quelques heures et qu’il y a de fortes chances qu’ils la transfèrent à leurs collaborateurs.
Toute la journée, je n’arrêtais pas de repasser cette scène dans ma tête. comment deux adultes peuvent perdre la boule si vite. Analysons cette situation car je pense qu’elle est représentative de la réalité des émotions. D’une part, nous avons tous vécu un moment intense d’émotions peu importe la cause et la nature (on va les voir plus en détail). D’autre part, notre réaction et sa durée en amont et en aval est différente.
D’abord, c’est quoi une émotion. Elle est le langage du cœur. C’est une réaction normale, mouvementée face à une situation spécifique qui dure une durée déterminée. Cette durée est interprétée comme un sentiment. Par conséquent, un sentiment découle d’une émotion.
Pas mal de chercheurs tels que Paul Ekman, Eckhart TOLLE,.. ont tenté de démontrer l’universalité des émotions et de les catégoriser. Résultat de la course, quatre catégories d’émotions primaires sont identifiées : la colère, la joie, la peur et la tristesse.
Il n’est pas rare de trouver dans la littérature, en plus des 4 précitées, le dégoût et la surprise.
Chaque type d’émotions englobe un ensemble de sentiments qui peuvent aller du dégoût, de la frustration en passant par l’inquiétude, la confusion jusqu’à la culpabilité et l’optimisme.
Monsieur Y a cogné le véhicule de Monsieur X. Ce qui a causé une réaction mouvementée dans un intervalle de temps des deux côtés parce que chacun se croit être dans ses droits les plus absolus. Cette réaction mouvementée est interprétée comme de la colère (émotion) déguisée ou externalisée sous forme d’agression, d’agitation, de fureur, de provocation et d’irritation (Sentiments).
Analogique dans toutes les situations d’expression émotionnelle, nous nous focalisons d’habitude au mouvement, au résultat sans chercher à comprendre le processus d’enchaînement pour limiter l’impact.
Et c’est ce que tout le monde a fait ce jour-là. Alors que les deux protagonistes étaient au pic de leur charge émotionnelle, toutes les tentatives d’apaisement, de raisonnement et de négociation ont échoué.
Par conséquent, on est resté une dizaine de minutes coincé dans cette cacophonie parce que techniquement leur cerveau limbique avait pris le dessus sur leur cerveau néocortex. Autrement dit, on essayait d’arrêter une bombe déjà déclenchée.
La vraie question est de savoir quel est le processus de manifestation d’une émotion et quelle étape de ce processus est considéré idéale ou critique pour diminuer son intensité ?
La réponse est expliquée par le triangle des émotions.
Un stimulus extérieur génère une charge émotionnelle qui peut escalader jusqu’à atteindre son summum. Ensuite, l’individu qui subit l’émotion entame une phase de décharge aboutissant à une relaxation.
L’émotion à l’état pur une fois arrivée à son comble est difficile à arrêter. Cependant, tout le travail de gestion, d’intelligence et de maîtrise émotionnelle repose sur le principe de contrôler et de ralentir la phase de charge pour éviter d’arriver au pic émotionnel.
La connaissance de ce simple processus m’a aidé à sympathiser et à empathiser avec les émotifs ; ceux et celles qui réagissent spontanément et systématiquement aux stimulus extérieurs. Au lieu de dire, il est émotif, sensible, fragile, colérique ou mélancolique, je respecte le fait que quelqu’un s’attribue d’avoir un temps très court de charge et très long de décharge. Ils ne sont pas forcément crétins, ils ont juste une timeline différente des autres.
Naturellement, notre corps, à son fort intérieur, sait réagir aux différentes émotions en synthétisant des hormones spécifiques qui façonnent notre ressenti et éventuellement notre langage corporel.
Par exemple, quand nous allons à une funérailles, la tristesse est à son comble et elle est visible sur les visages. Ceux qui n’ont jamais perdu un être cher dans leur vie sympathisent avec les endeuillés (éprouvent le même sentiment de tristesse). Alors que ceux qui connaissent ce sentiment de deuil et l’ont déjà vécu antérieurement éprouvent de l’empathie (comprennent la nature et l’intensité de la tristesse).
Notre corps produit du cortisol en moment de colère. Et une minute de temps de colère nécessite une heure de temps pour libérer et dissiper ce cortisol. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi 5 min de rage au volant ou une dispute de courte durée peut vous causer une journée entière de frustration.
En revanche, quand nous sommes joyeux, notre corps produit de la sérotonine et de la dopamine (les hormones du plaisir). En plus, c’est la seule émotion parmi les primaires que notre corps essaye de reproduire. On ne regrette jamais un moment de joie. Cependant, je n’ai pas encore rencontré quelqu’un qui cherche passionnément à allonger sa colère, tristesse ou peur.
Cela étant dit, toute émotion, positive ou négative, est utile si elle est bien comprise et étudiée à sa juste valeur et peut être facteur déclencheur et boosteur d’actions positives et impactantes.
Loin de moi l’idée de vous recommander de poursuivre incessamment la joie par des mécanismes de récompenses instantanées (sexe, drogue, pari, exploit, …) et de faire fi à vos émotions de colère, de tristesse et de peur.
L’objectif principal de cet article est de vous aider à coller le juste mot à une émotion spécifique, de comprendre les différents sentiments potentiellement associées, de maîtriser son temps de charge et, dans le cas échéant, accélérer la phase de relaxation.
En d’autres termes, ne laissez pas vos émotions vous dénaturer et vous éloigner de votre essence et quintessence.
Que même, c’est important de dériver de temps en temps. Je vous l’accorde. Un peu comme les chauffards qui ne respectent pas les priorités. Néanmoins, ne jouez pas la carte des innocents si vous vous faites attraper. Reconnaître sa dérive quand il le faut est la moindre des choses !