La galère est garantie mais la réussite ne l’est pas (Partie 2 : Entrepreneuriat)

L’entrepreneuriat est devenu ces dernières années une alternative très courtisée par les jeunes mais aussi favorisée par les gouvernements africains. Néanmoins, dans un marché restreint et très limité comme le nôtre, il devient une bataille rude pour avoir sa part gâteau.

 Certains s’y lancent parce qu’ils veulent changer le monde avec un produit ou service qui à leurs yeux est essentiel pour l’humanité. D’autres s’y voient une occasion de s’enrichir et se sentir considéré et respecté pourvu que leur projet aboutisse. D’autres s’y mettent avec le peu qu’ils ont par manque d’options.

Quelque soit la raison, les statistiques montrent que 90% des start-ups qui se créent ferment la porte au bout de trois (3) ans d’existence.  Ce qui veut dire que l’entrepreneuriat cause plus de désespoir que d’espoir contrairement à l’image véhiculé par le nombre minime de personnes qui s’en sortent.

Avec le peu d’années que j’ai passé à essayer de construire un business pérenne avec plus de bas que de hauts, j’ai été contraint d’affronter la dure réalité du marché. Comme promis sur mon article précédent, ci-dessous quelques enseignements que j’ai pu capitaliser à travers mes échecs et mes recherches dan le domaine.

1/ La galère est garantie mais la réussite ne l’est pas

Une start-up connait inévitablement trois phases : la phase du développement, la phase de croissance et la phase de maturation.

La phase du développement correspond à la phase du déploiement de l’idée (la création) et la mise sur le marché. Elle nécessite des ressources financières, matérielles, techniques & humaines. Elle fait appel à des stratégies de pénétration et la maîtrise du contexte. 

Ensuite, quand l’offre de l’entreprise est validée par le marché grâce à des ventes répétitives et qu’elle soit en mesure de supporter ses charges grâces à ses marges, elle entre dans une phase de croissance. Cette phase n’a pas une durée infinie car la demande des clients évolue au fil du temps et les marchés connaissent aussi des fluctuations.

Finalement, l’entreprise peut atteindre une phase de maturité si jamais elle arrive à s’adapter aux évolutions constantes du marché. Que ce soit par changement de stratégies, d’offres, de niches ou de cibles.

En effet, dans n’importe quelle de ces trois phases, la start-up peut connaître un déclin. Toutefois, ce déclin est plus probable d’arriver durant la phase du développement que dans n’importe quelle autre. De même qu’un enfant en phase de développement est plus sensible aux différentes maladies qu’un adulte.

Après tout, vous injectez vos ressources financières, techniques et matérielles sur votre idée en espérant avoir un retour d’investissement dans un avenir proche. Parallèlement, bien que l’entrepreneur croie férocement à la solution qu’elle offre à travers ses produits et services, ce n’est pas à lui d’imposer sa valeur sur le marché. Au contraire, le marché détermine la valeur et la justifie aussi à travers les chiffres. 

L’une des raisons qui font que 90% des Start-Ups échouent a une relation directe avec l’illusion de vouloir coûte que coûte imposer ses offres sur le marché. Par conséquent, à force de vouloir à tout prix voire son bébé décoller, elles finissent par brûler leur cash autour de différentes solutions qui mènent au même résultat : une version meilleure de produit et/ou de services mais sans entrée d’argent.

Souvent, nous avons l’habitude de faire une corrélation proportionnelle entre la galère et la réussite. En entrepreneuriat, la galère est garantie mais la réussite ne l’est pas. Travailler dur tous les jours, rencontrer des défis quotidiens et des cauchemars fréquents font partie du contrat si vous voulez devenir entrepreneurs. Toute cette détermination ne veut, en aucun cas, dire que la réussite est assurée en fin de compte.

Saviez-vous que seul 5% des acteurs arrivent à gagner leur vie dignement dans le milieu cinématographique. 95% des acteurs galèrent tous les jours pour décrocher un rôle. Si le coût de l’illusion est plus important sur le plan financier, social, physique et émotionnel, il faudra réconcilier avec la réalité.

2/ Doublez l’effort sur ce qui marche

Malheureusement, cette réalité suggère que votre chance d’échec est largement plus grande que votre chance de réussite. De ce fait, il est tout à fait essentiel, pour une question de survie, que vous redoublez d’efforts sur ce qui marche réellement et non sur ce que vous voudriez que ça marche.

Il y a quelques années, Monsieur X a ouvert un site e-commerce de vente en ligne de tenues traditionnelles africaines. Après quelques mois, il s’est rendu compte que :

  • Primo : le taux de bancarisation est faible en Afrique. Il est estimé entre 7.4 & 8% au sein de l’UEMOA ;
  • Secundo : les sénégalais préfèrent toucher le produit et marchander avant d’acheter. Ils ne font pas suffisamment de confiance aux vendeurs virtuels ;
  • Tertio : les complexes couturiers faisaient des captures d’écrans d’images du site pour les utiliser comme modèles pour leur propre compte.

En évidence, il était obligé de pivoter son modèle économique de départ et de se tourner vers la souscription mensuelle pour les maîtres couturiers qui veulent exposer leurs créations.

Après quelques mois et beaucoup de séances de shooting et d’intégration dans la plateforme, il s’est révélé que ce modèle ne ramenait non plus de cash-flow. Le marché a encore répondu négatif et un troisième changement de stratégie s’imposait. 

Alors, Monsieur X décide maintenir la plateforme comme une vitrine de ses échecs et attaque le marché des confections d’uniformes personnalisées pour les instituts de formation et les entreprises. Cette fois-ci, le marché a répondu positivement.

Il a fallu qu’il fasse trois changements et adaptations stratégiques pour arriver à une offre qui soit valorisée par le marché. Imaginez maintenant s’il tenait coûte que coûte que son premier ou deuxième modèle marche pendant que tous les indicateurs lui montraient qu’il dépense sans aucune entrée ?

TheSquareFoot est un autre exemple. A ses débuts, la plateforme permettait aux propriétaires immobiliers et aux gestionnaires de patrimoine de lister leurs biens immobiliers moyennant une rémunération.

Ça n’a pas pris longtemps avant qu’ils se rendent compte que si ces derniers évoluent dans une grande ville urbaine, ils auront naturellement suffisamment de demandes à traiter sans l’aide de la plateforme.

Ils se sont rendu compte aussi que le client locataire utilisateur de la plateforme aura besoin d’accompagnement durant tout le processus jusqu’à la finalisation du contrat de bail.

En conséquence, un changement devait être opéré. TheSquareFoot s’est transformé d’une plateforme technologique en une entreprise de services technologiques. Bien que l’ensemble du secteur immobilier soit resté inchangé, la société s’est introduite sur toute la chaîne immobilière au service complet.

Les locataires recherchaient en réalité des courtiers compétents et c’est donc ce que la plateforme est devenue.

Comme Monsieur X ou TheSquareFoot, il est important d’écouter toujours de près ce que le marché essaye de vous faire comprendre à travers les ventes et les retours d’expériences au lieu de se concentrer sur ce dont vous aimeriez que ça marche ou ce que vous pensez que ça va marcher.

3/ Avant de penser à chercher un investissement, prouvez que vous êtes dignes d’un investissement.

L’argent est le nerf de la guerre. De ce fait, n’attendez pas qu’on vous le donne facilement. Beaucoup d’entrepreneurs suivent le parcours standard qui est d’avoir une idée, de chercher un financement et de commencer à implémenter, petit à petit.

Les temps sont révolus. Les investisseurs veulent encourir moins de risques et collecter le maximum de gains possibles dans un intervalle de temps le plus raisonnable possible. En conséquence, ils préfèrent investir sur une idée qui est déjà mise à l’exécution et pour laquelle le marché a déjà donné une réponse favorable.

Je vous conseille fortement de commencer à explorer votre idée de business avec les moyens du bord. Sara Blakely a créé SPANX évalué aujourd’hui à des milliards de dollars sans un fond d’investissement ni un tour de table. Elle a commencé avec 5000 $, ensuite, elle a continué de réinvestir ses marges dans le fonctionnement de l’entreprise pour voir à quel point elle peut y aller.

Babacar NGOM a commencé avec seulement 50 000 Fcfa. Sans son engagement financier et sa preuve du concept qu’il a pu démontrer dès le départ avec ses propres moyens, SEDIMA ne serait pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui sans oublier aussi qu’il a passé 15 ans dans sa ferme avant de commencer son entreprise de production.

Commencez petit et rêvez grand. Rapprochez-vous de vos familles, de vos amis, demandez les d’investir en vous même s’ils ne comprennent pas votre vision. Au début, vendez à vos proches, amis, voisins et vos connaissances. Pas besoin de payer pour des publicités ou des annonces si vous n’êtes pas en mesure. 

Dans le même contexte, il existe des plateformes de financement participatif qui vous donnent l’occasion de présenter à une communauté virtuelle vos offres de produits et services et cette dernière pourra les précommander pour vous soutenir.

Ainsi, la plateforme vous remettra-t-elle l’argent collecté pour démarrer votre business, construire votre inventaire et servir les commandes reçues.

En retour, la plateforme gagne une commission sur l’argent collecté (environ 3 à 5%), le client va obtenir son produit qu’il a précommandé avec le sentiment d’avoir contribué à la réussite du projet et l’entrepreneur pourra avoir un fond de démarrage pour transformer son rêve en réalité.

Au finish, tout le monde est gagnant et aucune part d’actions n’est vendue. L’entrepreneur garde toujours le contrôle entier de son entreprise. Les plateformes de financement participatifs les plus utilisés sont :

3/ L’entrepreneuriat social : Astuce ou intentionnel

Beaucoup de start-ups et d’entrepreneurs essayent d’être socialement responsables et d’apporter des retours économiques aux alentours de leur zone d’activité. Certes, une bonne cause à poursuivre.

Cependant, j’ai une notion conflictuelle quand il s’agit d’utiliser l’agent des investisseurs et des actionnaires pour faire du social. Qu’on soit d’accord sur un point : le but de toute entreprise est de générer des profits.

Et pour générer des profits, il va falloir vendre des produits et services. Pour cette raison, avant de penser à faire du social, assurez d’abord la pérennité de votre entreprise. En d’autres termes, travaillez durement pour générer des profits et laissez vos actionnaires décider s’ils veulent faire du social ou pas.

Être fondateur ne veut pas dire que vous n’êtes pas soumis par aucun lien de subordination, à moins que vous soyez l’unique et seul investisseur. Une fois que vous ayez accepté l’argent d’un investisseur, vous devenez automatiquement un employé qui doit répondre & satisfaire les demandes de ses employeurs. Ainsi, votre obligation principale devrait être de fructifier leur investissement et non de le distribuer.

C’est au conseil d’administration et ses membres de décider au moment de partage des dividendes s’ils veulent engager un pourcentage du bénéficie dans le social.

Encore une fois, je n’ai rien contre l’idée d’aider la communauté. Tout ce que je dis c’est de ne pas confondre les priorités de l’entreprise. Car sans un cashflow, votre start-up ne survivra pas. Sans l’argent, votre social sera vu de courte durée. 

Mieux vaut maintenir d’abord les tuyaux qui vous ramènent de l’eau potable avant de se soucier au design du robinet.

4/ S’adapter toujours ou disparaître pour jamais

La pandémie du COVID-19 a frappé fort presque tous les secteurs et laisse un grand impact dans la pérennité des start-ups. Etant dans une période de récession économique, le client acheteur se voit obligé d’être conservateur avec son argent surtout qu’il ne sait plus s’il aura une source de revenu le prochain mois ou pas.

Le vendeur (start-up / entreprise) aussi se voit en court d’argent parce qu’il a du mal à écouler son inventaire ou à trouver de nouvelles prestations. Par conséquent, vu qu’un marché est composé d’une demande et d’une offre moyennant un prix, il se retrouve par conséquent dans une phase de latence.

Néanmoins, ni l’un ni l’autre ne signifie pas que le client n’a plus d’argent à dépenser ou l’entreprise n’a plus de niches de produits et services à proposer non plus que tous les marchés sont réduits au néant.

Au contraire, cela sous-entend que le client acheteur se focalise désormais sur ses besoins essentiels et non sur ses désirs. En d’autres termes, si votre entreprise pivote vers une niche très sollicité par rapport à la pandémie ou si vous changez de stratégies, il se pourrait que le client acheteur vous voit digne de son argent qu’il valorise chèrement dans le contexte actuel.

Par exemple si votre start-up évolue dans le secteur de la restauration, restez sur le modèle standard d’un local fermé / étroit qui accueille des clients dans le contexte actuel est facteur de déclin.

Avec une petite adaptation, que ce soit par la mise en place d’une ligne ou de plateforme de livraison des commandes, d’un réseau de distribution, votre restaurant n’aura aucun problème à maintenir son cash-flow.

Un autre exemple, si votre start-up évolue dans le secteur des prestations intellectuelles, des formations et des séminaires, la distanciation sociale est entrain de vous mettre des bâtons dans les roues. Avec les plateformes de visio-conférences et de rencontres en ligne telles que ZOOM, Microsoft Teams, Google Meet-up, vous pouvez continuer vos activités et échanger avec vos clients directement.

Maintenant, c’est l’occasion de numériser vos activités dans toutes les échelles. Le moyen traditionnel marche certes mais il est limité. Commencez par informer vos amis sur WhatsApp de ce que vous faites, mettez des statuts, puis ouvrez une page Facebook, Linkedin, Instagram. Ne vous souciez pas pour l’instant du marketing, juste existez numériquement.

Le networking n’est plus une affaire de déplacements

Juste quelque mois auparavant, le networking se faisait par le biais des sessions d’afterwork, séminaires, rencontres d’affaires avec des échanges de cartes professionnelles afin de développer son carnet d’adresses.

Parallèlement, les prospections se tenaient dans des ateliers, foires d’exposition et des forums. De manière inattendue, la crise sanitaire nous oblige tous à s’isoler entre quatre murs. Que devient dans ce contexte inédit les démarches commerciales et les rendez-vous de prospection ?

L’une des pratiques que j’utilise et que je trouve pertinente c’est de se pencher davantage sur le pouvoir professionnel et relationnel du réseau LinkedIn. En suivant les étapes suivantes, il est possible de fortifier son carnet d’adresse, de doubler voire tripler son taux d’efficacité sans le moindre déplacement :

  • Tout d’abord, dressez une liste des prospects/entreprises que vous aimeriez démarcher & abonnez-vous dans leurs pages professionnelles sur LinkedIn.
  • Sur la liste déroulante des employés en bas de la description, triez au moins trois (3) contacts occupant des postes et ayant des profils qui sont en relation avec la nature des offres que vous proposez.

Par exemple, si votre offre est technique, adressez vous à un ingénieur. Si elle est de nature administrative, adressez-vous à quelqu’un qui est rattaché au département juridique. Si elle est commerciale, adressez-vous à quelqu’un qui est rattaché au département communication/commercial

  • Puis, envoyez un message court mais bien explicité aux personnes que vous avez ciblées résumant vos différentes offres et comment elle pourrait apporter de la valeur ajoutée à l’entreprise.

Exemple : « Bonjour Serigne Modou ‘’Nom du prospect’’, depuis deux ans, nous travaillons activement avec beaucoup d’entreprises dans l’assistance virtuelle. Notre plateforme d’assistance vidéo et ticketing permet de renforcer la performance de votre support technique et réduire les déplacements des experts.

Auriez-vous un moment pour aborder ce sujet ?

Best, Nathalie ‘’nom du demandeur’’ – ViiBE ‘’nom de l’entreprise’’ »

Avec ce message court et simple, vous avez appréhendé facilement le centre d’activité de VIIBE et dans quel contexte il peut être utile à l’entreprise.

Prenons un autre exemple : « Bonjour, Je voudrais m’assurer que vous ne manquiez d’aucune protection contre le COVID 19 ou de matériel au sein de votre laboratoire. Auquel cas je suis disponible pour vous procurer ce dont vous avez besoin. N’hésitez pas à me contacter à sales@onrochem.com. Cordialement. ONRO CHEMICALS

  • Ensuite, organisez un meeting à distance avec les personnes qui vous ont fait un retour par le biais de Google Meet-up. Cet outil vous permet de partager votre calendrier à vos prospects, de leur donner la possibilité de fixer l’heure du meeting à leur convenance et de communiquer en visioconférence.

Ne vous souciez pas trop du taux de réponse. L’avantage du Linkedin comparé aux autres réseaux c’est qu’il est professionnel. Les professionnels sont très sérieux et n’hésitent pas à vous écouter d’une manière ou d’une autre même s’ils ne sont pas intéressés par vos offres.

  • Arrivé à ce stade et après votre présentation, deux éventualités sont possibles. Soit le prospect montre son intérêt et dans ce cas, vous pouvez suivre derrière jusqu’à la clôture. Soit il vous met en contact avec quelqu’un qui serait potentiellement intéressé. Dans les deux cas, vous en sortez gagnants.
  • Enfin, assurer le suivi et répéter le même processus. Avec peu de temps, vous verrez des résultats concrets. Le même processus peut être utilisé par les chercheurs d’emplois.

J’espère que ces informations vous seraient utiles dans votre quête entrepreneuriale. Rien de ce que je viens de dire n’est une vérité universelle. Ce ne sont que mes points de vue appuyés par l’expérience et les données. S’il se révèle que vos opinions et vos manières de faire vous rapporte les résultats escomptés, je vous souhaite le meilleur et je serai hâte de les découvrir.

N’hésitez pas à laisser des commentaires si vous avez des questions ou des contributions.

A bientôt.

Prochain article portera sur l’investissement dans le contexte africain (partie 3).

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